Pour la généralisation d’une EVRAS fiable et harmonisée !

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Face à l’ampleur des attaques dirigées contre la généralisation de l’EVRAS dans les écoles wallonnes et bruxelloises et lebattage médiatique autour de ce sujet, Prisme, Fédération des associationsLGBTQIA+ wallonnes, souhaite dénoncer la désinformation qui se diffuse àl’heure actuelle et rappeler l'importance de cette mesure pour l’acceptation etla sécurité des populations issues de la diversité des orientations sexuelleset des identités de genre en Belgique. 

Début septembre, le Parlement de la FWB adopté le décret instaurant la généralisation de l’EVRAS. Le 20 septembre, c’est la COCOF qui a voté ce projet. Le dernier vote, celui du Parlement wallon, est attendu pour ce 28 septembre.  

En pratique, cela signifie qu’une fois sur l’année, toustes les élèves de 6ème primaire et de 4ème secondaire recevront obligatoirement une animation de deux heures en lien avec l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Il n’y a pas d’obligations supplémentaires. D’autres animations peuvent être organisées sur base volontaire par les écoles. Il faut noter que l’EVRAS fait partie des missions obligatoires de l’école depuis 2012. Néanmoins, beaucoup d’élèves n’en bénéficiaient pas encore. De plus, jusqu’ici, le contenu de ces animations n’était pas harmonisé, aucun contrôle n’était prévu et aucune garantie n’existait quant à l’expertise des personnes s’adressant aux élèves. L’objectif de la mesure adoptée actuellement est de permettre à toustes les jeunes d’avoir accès à des informations fiables et complètes. 

Ces animations devront être dispensées par des structures labellisées par la FWB, c'est à dire des professionnel·le·s de l’EVRAS (1) déjà actif·ve·s dans le secteur depuis plusieurs années(centres de planning familial, centres PMS, psychologues, médecins,assistant·e·s sociaux/sociales, conseiller·e·s conjugales, sexologues...).Parmi les organisations labellisées se trouvent aussi des associations activessur les thématiques LGBTQIA+, dont plusieurs de nos associations membres.  

Nous dénonçons la désinformation autour de l’EVRAS 

Depuis quelques semaines, de nombreuses contre-vérités sont diffusées sur les réseaux sociaux, dans certains médias ou via WhatsApp, provoquant l’inquiétude, voire la colère, de certains parents. Ce qui a finalement abouti à l’incendie de plusieurs écoles par desopposant·es à l’EVRAS à Charleroi et à Liège. Outre les écoles, les centres de planningfamilial sont aussi la cible de ce mouvement anti-EVRAS ces dernières semaines. 

Si les critiques, inquiétudes et questionnements des parents sont bien légitimes par rapport à ces thèmes de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, il est désormais évident qu'un groupe de personnalités et d'organisations controversées est activement engagé depuis plusieurs semaines dans une campagne visant à s'opposer à l'EVRASen diffusant de nombreuses informations erronées. Il est donc probable que certain·e·s aient été influencé·e·s par la désinformation propagée par les membres de ce groupe.Ce mouvement anti-EVRAS est largement alimenté par des organisations réactionnaires dont l’homophobie et la transphobie ont déjà été dénoncées, à l’instar de “l’Observatoire de la petite Sirène” et de “Innocence en danger”.Il comporte donc tous les germes pour poursuivre la mise en danger de nos populations. 

Pour preuve, le dimanche 17 septembre, la manifestation de protestation des animations EVRAS qui a regroupé 1.500personnes à Bruxelles a été largement marquée par des discours hostiles au droit à l'avortement, anti-féministes et anti-LGBTQIA+. Les organisateur·ice·s de la manifestation ont avancé l'idée que l'EVRAS avait pour objectif de pervertir les enfants et de rendre la population stérile. Certain·e·s ont prétendu que les petits garçons en maternelle seraient encouragés à devenir des petites filles. Les participants à la manifestation provenaient de divers milieux, notamment des groupes d'extrême droite, des militant·e·s catholiques et musulmans, ainsi que des familles qui avaient répondu à des appels à manifester sur les réseaux sociaux. La diffusion de nombreuses fausses informations concernant le contenu des animations, voire de propagande malveillante, a contribué à alimenter une panique morale qui n’a pas lieu d’être.   

Nous avons besoin d’une EVRAS généralisée 

Si la Belgique est un pays progressiste en matière de droits LGBTQIA+, la stigmatisation liée à la diversité des orientations sexuelles, des identités et des expressions de genre est encore largement présente dans notre pays. 

Entre 2017 et 2021, 282 dossiers à caractère homophobes ont été traités par les parquets belges, un chiffre qui ne représente qu’une petite partie des violences réelles subies par nos communautés. Face à ces chiffres, l’EVRAS représente un moyen essentiel pour informer et sensibiliser les jeunes sur la diversité des identités de genre et d’orientation sexuelles dans une optique de tolérance, d’inclusion et de respect des autres et de soi. 

De façon plus générale, les animations EVRAS sont importantes pour toustes les jeunes (4). Elles permettent de répondre à leurs questionnements, en leur donnant des réponses adaptées à leur âge et leur maturité. Il s’agit d’accueillir leurs interrogations, leurs inquiétudes, dans un espace de parole bienveillant. A ce titre, le guide EVRAS est un outil conçu spécifiquement pour les professionnel·le·s formé·e·s en Éducation à la VieRelationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) qui interviennent auprès des jeunes. Sa construction s’est faite en concertation avec des expert·e·s de terrain et une large population de jeunes concerné·e·s, le tout en s’appuyant sur la littérature scientifique. Ce document offre aux animateur·rice·s ainsi qu’aux équipes pédagogiques qui le souhaiteraient la possibilité de disposer de références communes en matière de contenu lié à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Il convient de noter que ce guide n'est pas destiné à être distribué aux élèves, ni à être utilisé par des personnes non formées. 

Par ailleurs, rappelons que les activités concernées représentent un volume de 4h réparties sur un cursus de 12 années.Si ce volume est largement insuffisant pour véritablement aborder l’ensemble des éléments essentiels à une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle, il constitue une base minimale pour informer les jeunes sur des enjeux qui ne sont encore que trop peu abordés en famille, faute de temps, de moyens ou de connaissances. Voir dans ces 4 heures (sur environ 17.000!) toute capacité à “pervertir”, “corrompre” ou déstabiliser profondément toute une jeunesse parait pour le moins déraisonnable. 

En conclusion 

Il est impératif de dénoncer la désinformation qui entoure actuellement la généralisation de l'EVRAS dans les écoles wallonnes et bruxelloises. Cette mesure vise à fournir à toustes les élèves des informations fiables et complètes en matière d'éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle. Elle est essentielle pour promouvoir le respect, l’inclusion, l'acceptation et la sécurité des personnes aux orientations sexuelles et identités et expressions de genre diverses enBelgique, ainsi que pour lutter contre toute forme de stigmatisation. 

Ces animations sont par ailleurs importantes pour toustes les jeunes, car elles leur fournissent des réponses adaptées à leur âge et à leur maturité, dans un espace de parole bienveillant. Le guideEVRAS, élaboré avec rigueur et consultation d'expert·e·s et de jeunes concerné·e·s, constitue un outil essentiel pour les professionnel·le·s formé·e·s en EVRAS.Ces les animations ne sont en aucun cas une tentative de “corrompre”  la jeunesse. Au contraire, elles contribuent à une éducation plus éclairée, égalitaire et respectueuse de chacun·e en comblant un manque avec des informations parfois absentes du cadre familial et qui peuvent mettre mal à l’aise les enseignant·e·s (souvent peu formé·e·s pour aborder ces thématiques). Les animations offrent la possibilité aux élèves de poser leurs questions bien légitimes et de pouvoir s’exprimer librement pour ensuite se forger leur propre avis, en tant que futur·e·s CRACS (Citoyen·ne Responsable, Actif·ve, Critique et Solidaire) comme prévu par le Décret-Missions. 

La généralisation de l'EVRAS est une avancée importante pour la Belgique, contribuant à l'éducation, la tolérance et le respect mutuel, et il est essentiel de s'opposer à la désinformation et de soutenir cette mesure pour le bien-être des jeunes et de la société dans son ensemble. Prisme,  fédération des associations LGBTQIA+ wallonnes, enjoint les autorités publiques à poursuivre le travail essentiel qui est ici amorcé età ne pas céder aux vagues réactionnaires trop alimentées par la désinformation et l’incompréhension. Nous apportons également tout son soutien aux animateur·ice·s qui, au quotidien, perfectionnent leur formation et dispensent une offre de qualité en Wallonie et à Bruxelles. 

Enfin, il est crucial de souligner que ces activités ne représentent qu'un (trop) faible volume horaire sur l'ensemble du cursus scolaire. 

Par ailleurs, nous en profitons pour souligner le travail de sensibilisation et de déconstruction indispensable réalisé par les CHEFF, Crible et GrIS, dans les milieux scolaires et de la Jeunesse.

(1) https://www.parent.evras.be/?rp=yes

(2) https://www.rtbf.be/article/pres-de-300-dossiers-judiciaires-a-caractere-homophobe-en-cinq-ans-la-pointe-emergee-de-liceberg-10994433

(3) L'agence des droits fondamentaux de l'Union Européenne (FRA) révélait que 24,6% des personnes LGBTI interrogées en Belgique en 2019 disent éviter souvent ou tout le temps de tenir la main de leur partenaire du même sexe en public. Au cours des 12 mois précédant l'enquête, 39% des répondants ont déclaré avoir subi une discrimination et 42% du harcèlement LGBTIphobe. 14% des répondants disent avoir subi une agression physique ou sexuelle dans les 5 dernières années et 6% au cours de l'année précédant l'enquête. Les chiffres sont encore plus élevés pour les personnes trans* puisque plus d'une sur deux dit avoir été discriminée (57%) et harcelée (50%) dans les 12 derniers mois. Source : Les violences LGBTQIA+phobes en Région deBruxelles-Capitale

(4) Pour rappel, d'après les dernières statistiques belges, 10% de la population (2 à 3 enfants par classe) sont victimes d'incestes; 1 victime sur 5 fréquentant les centres de Prise en charge des Violences Sexuelles est mineure; 66% des personnes victimes de viols dans ces CPVS le sont par le partenaire, un ex, un parent proche ou une personne que la victime connaissait.

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