Journée internationale du drag. Rencontre avec Ernesto Coyote !

"Ma volonté, c’est de cibler le plus de gens (peu importe leur expression de genre ou leur identité sexuelle). Mon but, c’est de vraiment toucher les gens et d’éveiller quelque chose en eux via Ernesto. Si je parviens à faire ça, j’ai tout gagné. "

Hello Ernesto ! Pourrais-tu te présenter brièvement pour nos lecteurs-rices ?

Mon nom de scène, c’est Ernesto Coyote. J’ai été baptisé en partie par une autre artiste drag, Peggy Lee Cooper. C’est un peu une tradition dans le monde du drag; ce sont généralement les sœurs/les frères de spectacle qui nous trouvent un nom.

J’étais tout nouveau. Je venais de débarquer et je cherchais mon nom. Je voulais absolument le mot “coyote” dedans. Et puis bon… vu ma tronche et mes origines hispaniques, Ernesto est sorti et je l’ai adopté.

Ça fait 3 ans que je fais du drag mais je côtoie la scène depuis que je suis tout petit. D’abord via la danse et ensuite via mon métier actuel puisque je suis costumière. Du coup, les coulisses et la transformation sont des trucs qui m’appellent depuis l’enfance.

Tu as commencé par toi-même ou quelqu’un t’a initié à l’art du spectacle/du drag ?

J’ai d’abord commencé en faisant des costumes dans le milieu du cabaret. Et je me suis dit: “si un jour, je dois monter sur scène, je crois que je le ferai en homme”. Ça s'est simplement posé comme ça dans ma tête.

La scène est pour moi une occasion de faire sortir une envie très personnelle.

Mais je n’ai réalisé que très tard que j’avais une fascination pour le monde du drag. J’étais assez obnubilé par ce monde-là pour être tout à fait honnête.

Quand la question du drag s’est posée, est-ce que le drag king s’est révélé comme une évidence ou tu n’as pas hésité à exagérer ta féminité en étant une faux queen ?

Ca coulait de source car, de base, je ne suis pas très féminine et pas du tout attiré par les codes de féminité - même si je trouve les femmes très belles. Cependant, le transposer sur moi, ça ne m’intéresse pas plus que ça. Ce n’est simplement pas mon truc.

Finalement, me transformer en homme, c’est juste évident pour moi. C’est vraiment mon binôme.

Tu disais tout à l’heure que tu avais fait de la danse, est-ce que c’est quelque chose que tu incorpores dans tes shows en tant qu’Ernesto ?

Oui, la danse ainsi que les acrobaties. Alors je ne fais pas partie du monde du cirque, mais c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup, car ça représente un vrai challenge pour moi car il y a toute une technique à apprendre pour réaliser ce genre de numéro.

Du coup, comment est-ce que tu définis ton drag ?

Je n’ai pas vraiment une sous-catégorie précise pour définir mon drag.

Je dirais juste que, ma volonté, c’est de cibler le plus de gens (peu importe leur expression de genre ou leur identité sexuelle). Mon but, c’est de vraiment toucher les gens et d’éveiller quelque chose en eux via Ernesto. Si je parviens à faire ça, j’ai tout gagné.

Après, si je devais vraiment mettre mon drag dans une case, je dirais qu’il est assez léger; en tout cas, c’est mon impression.

Dans le drag king, souvent, il y a cette question de la militance qui se pose, de la masculinité toxique. Alors, évidemment, c’est tourné en dérision, mais c’est bien appuyé - à juste titre. De mon côté, je prépare seulement mon deuxième numéro et je n’ai pas encore eu l’opportunité d’aborder des thèmes forts comme ceux que j’ai cités avant. Et pour moi, ce sont des sujets qui demandent beaucoup de réflexion, de dramaturgie, de mise en scène, etc. Sans ça, le public ne réagit pas, n’est pas ému par ce que tu racontes sur scène. Du coup, pour le moment, mon personnage est assez léger et j’aborde énormément les choses avec beaucoup d’humour en amenant plusieurs clichés.

Est-ce que tu dirais que Ernesto est complètement différent de la personne que tu es dans la vie de tous les jours ?

Ernesto est plutôt la prolongation de ce que je suis.

Alors ok, je n’ai pas de moustache ou de favori tous les jours, mais c’est comme ça que je le vois.

Après, Ernesto, ce n’est pas encore un personnage que je parviens à faire parler pour l’instant. C’est plutôt un personnage muet qui par ses actions va faire comprendre des trucs. Il y a une forme de paralysie, je ne sais pas trop comment le faire parler là.

Que représente, du coup, le drag pour toi ?

Déjà, c’est une grande source d’amusement. Je m’éclate tellement en faisant ça. Cela me procure un vrai plaisir de me voir en homme, en plus - même si c’était un peu troublant dans un premier temps.

Ensuite, un plaisir immense ! Chercher des vêtements, peaufiner le maquillage, le fait d’être sur scène, etc… ouais, ça représente un vrai plaisir.

Et, c’est aussi un média avec lequel tu peux faire passer des messages.

Comment est la scène des drag kings en Belgique ?

Je ne pense pas qu’elle soit aussi grande que celle de Paris, mais elle est là, elle existe.

Et ça se multiplie de plus en plus. C’est cool à voir ! J’ai hâte de voir ce que le futur nous réserve de ce côté là.

Qu’est-ce qui te motive à continuer cet art ?

Déjà, ça ne fait pas longtemps que j’en fais, donc ça joue ! Il y a beaucoup d’excitation quand je suis sur scène.

Puis, dans ma vie personnelle, ça a débloqué des choses en moi. Ce n’est que du positif pour moi.

Depuis que je fais vivre Ernesto, il y a plein de moments dans ma vie où je me dis que je me sens bien en fait. C’est un chouette sentiment à avoir. Je pense que ça m’aide vraiment à mieux me connaître.  

On voit que le drag devient de plus en plus mainstream grâce à des émissions comme Rupaul’s Drag Race, comment tu vois ça ?

Il y a toujours du bon et du mauvais dans ce genre de situations.

Dans un sens, c’est toujours chouette d’avoir cette représentation à la télévision via des grosses productions, car ce n’est plus caché. Quand on regarde Rupaul’s Drag Race, les gens peuvent réellement comprendre que c’est un art… un vrai. Je suis toujours émerveillé par ces queens.

Il y a aussi ce revers de la médaille quand même… un espèce de fast-food visuel, comme ça. On en voit tellement qu’on perd un peu l’essentiel. Il y a un certain formatage des queens, une certaine standardisation… qui va à l’encontre du mouvement drag.

Comment vois-tu l’avenir du drag ?

De mon côté, je ne me projette pas trop. J’ai quelques projets, quelques idées que j’aimerais réaliser, mais je prends mon temps car j’ai beaucoup de projets sur le côté. Je ne pousse pas trop le futur. C’est un processus du type “pas à pas”.

Ensuite, de manière générale, le drag est de plus en plus visible. Il suffit de se connecter sur Instagram pour voir une multitude de queens et de kings se multiplier et s’essayer à l’art du drag. C’est réellement cool à voir ! Je salue notamment Frida Salop qui est une queen de Lyon, si je ne me trompe pas. Elle a décidé d’organiser un espèce de festival où elle a contacté plein de kings francophones pour créer des archives. Du coup, on devait tous produire un numéro… juste pour montrer qu’on existe. Il y a aussi ce compte instagram “King history” qui relate toute cette histoire du drag king, et j’en apprends tous les jours sur ce compte. Donc, on voit qu’il y a de plus en plus de visibilisation.

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