Coming Out Day : le témoignage de Romain

Le 11 octobre, nous célébrons fièrement la journée mondiale du coming-out! Moment important et presqu'inévitable pour nombreux·ses d'entre nous, il peut également être extrêmement compliqué voire impossible pour de nombreuses autres personnes LGBTQIA+.

Pensée particulière aujourd'hui pour toutes ces personnes qui ne peuvent (ou ne veulent) pas faire leur coming out pour diverses raisons. Nous pensons à vous, vous n'êtes pas seul-e-s!

Un jour, peut-être, la notion de coming-out sera obsolète et nous pourrons chacun-e être qui l'on est sans devoir le partager à la terre entière...

Nous avons eu le plaisir de discuter avec Romain, qui a accepté de répondre à nos questions.

Comment as-tu vécu ton coming out ? Dans quel contexte l’as-tu fait ? Était-il préparé ? T’a- t-on outé ? Était-il forcé ?

Mon coming-out s'est fait de manière naturelle, du moins en partie. Il n'était pas préparé, car c'est ma mère qui a abordé le sujet quand j'avais 15 ans. Je n'étais pas préparé, j'ai agi selon mon instinct quand il a fallu en parler.

A qui l’as-tu fait en premier ? Comment cela s’est passé ?

Mes parents se sont séparés quand j'avais 4 ans. J'ai donc vécu une grande partie de ma vie uniquement avec ma maman. C'est elle d'ailleurs qui a spontanément abordé le sujet de mes relations amoureuses à l'approche de mes 15 ans. Un soir, alors que nous rentrions de l'école, elle m'a parlé de mes relations amoureuses en disant : « Écoute, Romain, nous nous sommes posé des questions avec ton beau-père. On a remarqué que lorsque nous parlions de filles, tu ne réagis généralement pas à la question, ou alors tu changes de sujet. Du coup, je me suis demandé si tu ne serais pas attiré par les garçons, et si c'est le cas, sache que ce n'est pas un problème ». Je pense n'avoir jamais vécu un moment aussi stressant de ma vie, avec un cœur qui battait à 1000 à l'heure. J'ai fini par lui répondre d'un ton un peu rebelle (j'étais en pleine crise d'adolescence ^^) : « Oui, en effet, je suis attiré par les garçons. D'ailleurs, c'est comme ça et pas autrement ».

Quelle a été la personne qui a le mieux réagi ?

Ma mère. Et finalement, c'est un moment qui s'est super bien passé, contrairement à ce que j'aurais pu croire. Elle a même par la suite fait la connaissance d'un autre Romain, mon tout premier petit ami à l'époque.

Quelle a été la personne qui a eu la pire réaction ? Comment est ta relation avec cette personne à l’heure actuelle ?

Un certain nombre de personnes ont très mal réagi à la suite de mon coming-out. Tout d'abord, mes grands-parents maternels. C'est par écrit que je leur ai annoncé quelques mois après mon coming-out. Pour eux, et ce sont les seuls mots que j'ai pu entendre, c'est que je n'allais pas perpétuer le nom de famille et que ce n'était pas tolérable d'avoir un "PD" dans la famille.  

Les choses se sont compliquées quelques années plus tard du côté de la famille paternelle. Comme je l'ai mentionné précédemment, je n'ai quasiment jamais vécu avec mon père. Il me recevait de temps en temps le week-end ou pendant quelques vacances, mais c'était rare. D'ailleurs, entre mes 15 et 18 ans, c'est là où je ne l'ai quasiment jamais vu. Faire mon coming-out auprès de lui me paraissait impossible, car mon père, sans doute par intuition ou autre, m'a annoncé quand j'étais enfant : "Si j'apprends qu'un de mes fils est PD, je prends le fusil, je le bute."

Nous nous sommes vus pour l'enterrement de son père, mon grand-père paternel, dont j'ai toujours été très proche. Lorsque nous nous sommes croisés devant l'église, j'ai encore en tête l'arrivée de mon père face à moi. Il a salué certaines personnes de la famille, mais pas moi. La cérémonie a commencé, mon père a été le premier à être appelé pour faire son discours devant l'assemblée, et il s'est approché du pupitre. C'est à ce moment-là que je l'ai vu me chercher du regard et annoncer haut et fort devant tout le monde : « Il est hors de question que mon fils soit présent aujourd'hui ». Je ne pense pas avoir subi l'humiliation la plus intense de ma vie et aussi la plus grande tristesse de ma vie.

J'ai quitté l'église immédiatement après, non sans recevoir un regard noir de plusieurs membres de ma famille paternelle. C'est ainsi que j'ai appris par la suite que j'avais été outé, ce qui ne m'a malheureusement pas permis de faire mon coming-out moi-même, comme je l'aurais voulu. On m'a privé de ce droit ce jour-là, et j'ai mis beaucoup de temps à relever les épaules.

A la suite de cet événement, je n'ai jamais revu mon père ni ma famille paternelle. Tous, d'un commun accord, m'ont bloqué sur les réseaux sociaux, ainsi que mon numéro de téléphone.

Il y a un peu plus de deux ans, mon père est décédé, emporté par un cancer généralisé. J'ai dû rassembler tout mon courage pour assister à son enterrement, sachant que cela signifiait que je reverrais toute ma famille paternelle que je n'avais pas revue depuis près de 15 ans. Personne ne m'a parlé, mais j'ai quand même eu une cousine éloignée qui m'a dit « Bonjour » et m'a remis une lettre à mon attention. C'était son écriture, que je reconnaissais facilement. J'ai attendu d'être de retour en Belgique pour enfin la lire, et c'était un message court, mais qui m'a profondément touché : « Romain, pardonne mes erreurs. Pardonne-moi de ne pas avoir été proche de toi, de ne pas avoir pris le temps de te connaître et de te comprendre. Je ne pourrai pas rattraper le passé, mais j'espère que tu es bien et que tu es heureux. Je t'embrasse. Papa ».

J'ai pleuré pendant plusieurs heures. J'avais accumulé trop de colère, trop de douleur. J'ai manqué de l'amour et de la sécurité de sa part, et il était très douloureux de réaliser que nous n'avions jamais pris le temps d'en parler. Je ne pense pas que j'aurais pu lui pardonner ce qui s'était passé, mais je suis convaincu que je lui aurais donné l'occasion de me parler, de discuter.

Qu’est-ce qui a changé dans ta vie une fois que tu as fait ton coming out ? Comment t’es-tu senti ?

Dans la vie quotidienne, rien de bien spécial hormis un énorme poids sur les épaules que j’avais à l’époque. J’ai vécu des moments très douloureux mais aussi très beaux. Je regrette aussi avec le temps d’avoir fait vers mes 20 ans une tentative de suicide. L’accumulation des nombreuses pertes que j’avais enchaînées m’ont fait littéralement péter un plomb et j’ai voulu en finir avec la vie. Ce n’est pas sans le soutien infaillible de quelques amis, un psy et la vie que je me suis foutu des claques et que j’ai décidé de remonter la pente. Aujourd’hui et depuis des années, je me sens bien.  

Comment appréhendes-tu ton coming out maintenant quand tu dois repasser par cela quand tu rencontres de nouvelles personnes ?

Je n'ai pas d'appréhension. Je ne le crie pas sur les toits, je suis plutôt discret sur le sujet, mais lorsque la question de l'amour se pose, je ne cherche pas à mentir. Je réponds souvent et spontanément avec un ton humoristique : "Ah, désolé, je suis du côté obscur de la force depuis bien trop longtemps." Jamais de gêne, en général, ça fait même rire.

Quel conseil aimerais-tu donner à la personne que tu étais avant ton coming out ? Qu’aimerais-tu qu’elle sache aujourd’hui ?

"Romain, vis ton bonheur. Ne te cache pas, n'aie pas peur. Ça sera pénible, mais des gens bien intentionnés seront aussi à tes côtés. Après tout, c'est juste une question d'amour."

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