Coming Out Day : le témoignage de Maurine

Le 11 octobre, nous célébrons fièrement la journée mondiale du coming-out! Moment important et presqu'inévitable pour nombreux·ses d'entre nous, il peut également être extrêmement compliqué voire impossible pour de nombreuses autres personnes LGBTQIA+.

Pensée particulière aujourd'hui pour toutes ces personnes qui ne peuvent (ou ne veulent) pas faire leur coming out pour diverses raisons. Nous pensons à vous, vous n'êtes pas seul-e-s!

Un jour, peut-être, la notion de coming-out sera obsolète et nous pourrons chacun-e être qui l'on est sans devoir le partager à la terre entière...

Nous avons eu le plaisir de discuter avec Maurine, qui a accepté de répondre à nos questions.

Comment as-tu fait ton coming out ? Dans quel contexte l’as-tu fait ? Etait-il préparé ? T’a-t-on outé ? Etait-il forcé ?

J'ai fait mon coming-out à l'âge de 18 ans. Je pense qu'à partir de l'âge de 12-13 ans, je me posais déjà des questions. Je me suis rendu compte que j'étais follement amoureuse de ma meilleure amie de l'époque. Mais j'ai longtemps caché et enfoui cette part de moi. Je ne le voulais pas. Je ne voulais pas être différente. Mais pourquoi ressentais-je ça pour cette personne ? Ce n'est que passager, j'en suis sûre. Ou peut-être est-ce de l'admiration ? Non, plutôt une histoire d'amitié inconditionnelle ! C'est ce que je m'obstinais à croire. Sauf qu'à chaque fois qu'on était loin l'une de l'autre, c'était comme si ma vie n'avait plus aucune saveur. J'avais le cœur tellement lourd et vide. La soirée du Nouvel An, elle m'embrasse. Oh la vache, j'ai cru que j'allais faire un arrêt cardiaque ! Est-ce normal d'avoir le cœur qui bat à 1000 à l'heure et d'avoir l'impression d'avoir un feu d'artifice dans le ventre ? Un jour, elle s'est mise en couple avec un garçon. J'ai cru que mon cœur ne s'en remettrait jamais. Je me suis dit qu'il fallait absolument que je l'oublie, qu'en sortant avec des garçons moi aussi, j'allais pouvoir faire disparaître tous ces sentiments si intenses. Jusqu'à l'âge de 18 ans, j'ai tenu bon... Sauf que c'en était TROP ! Je ne pouvais plus faire semblant. Je n'y arrivais plus. Je voulais être avec ELLE.

Il fallait que je le dise. C'était le moment. Je ressentais le besoin de m'ouvrir et enfin pouvoir être la personne que j'étais vraiment. Je voulais être heureuse moi aussi. Pourquoi les autres pouvaient vivre leur histoire d'amour au grand jour et pas moi ?

En rhéto, j'avais réalisé un travail de fin d'étude sur l'homosexualité, intitulé "Être jeune et homo : est-ce facile tous les jours ?" J'avais justifié que ce sujet m'intéressait en expliquant que c'était parce que j'avais un ami gay... (Je pense que mes parents s'en sont doutés à partir de ce moment-là). En effectuant toutes mes recherches, je me suis rendu compte des difficultés auxquelles les jeunes pouvaient être confrontés, notamment lors de leur coming-out. J'ai ressenti tellement d'incompréhension, de rage, de tristesse en découvrant toutes les horreurs que j'ai lues. MAIS POURQUOI DOIT-ON FAIRE UN COMING-OUT ? Pourquoi est-ce si difficile d'accepter que deux êtres humains, peu importe leur genre, puissent s'aimer ?

Ça m'a fait peur... Peur de devoir l'annoncer à mes parents, ma famille, mes amis, mon entourage. Je savais qu'il fallait que je me prépare avant de leur dire. Je me suis dit qu'il me faut de l'aide afin de mettre les mots justes sur le message que je voulais leur faire passer. Je suis donc allée voir une personne de confiance, une amie de mes parents qui était coach de vie. Je lui ai tout dit, ça sortait naturellement, sans trop réfléchir. Nous avons longuement parlé, elle m'a fait réfléchir... Ça y est, à partir de là, je savais ce que j'allais dire, j'étais enfin prête !

J'ai fait mon coming-out petit à petit. Je l'ai d'abord dit à ma famille, puis à mes ami·es les plus proches (au scout, au sport...). Dans mes cercles d'ami·es, je n'avais aucune personne LGBTQIA+... Un peu de stress... Comment allaient-ils·elles le prendre ? En arrivant en études supérieures, cela a été plus simple pour moi de le dire, car c'était le début d'une nouvelle vie, de nouvelles amitiés, de nouvelles rencontres...

A qui l’as-tu fait en premier ? Comment cela s’est passé ?

Je l'ai fait en premier à mes parents, un soir d'été après avoir été voir l'amie de mes parents qui était coach de vie. Ils prenaient l'apéro sur la terrasse. Je me suis assise en face d'eux, la mâchoire serrée, la boule au ventre, les mains et la voix tremblantes. Allais-je vraiment y arriver ? Je sentais que les larmes me montaient aux yeux... Je leur ai dit que j'avais quelque chose à leur dire, mais que j'avais peur qu'ils ne m'aiment plus. Qu'ils me voient différemment... Je leur ai dit : "J'aime les filles, je crois..." Ils m'ont regardée, et ma mère m'a dit : "Tu crois qu'on ne te connaît pas, ma chérie ? Ça ne nous étonne pas, tu sais. Et on t'aime comme tu es ! Ça ne changera jamais." J'ai tellement pleuré. Ils m'ont pris dans les bras. Au fond de moi, je savais pertinemment que tout se passerait bien. Je me suis sentie tellement soulagée d'avoir pu évacuer cet énorme poids qui me rongeait de l'intérieur.

Quelle a été la personne qui a le mieux réagi ?

Je dirais que c'est ma grand-mère du côté maternel. Je pense que c'est d'elle dont j'avais le plus peur... une grand-mère allemande de presque nonante ans, assez stricte et droite... une toute autre génération que la mienne. Aïe, c'est sûr que cette bombe que je vais lui lâcher va exploser...

Elle m'a dit : "Moi, tant que ma petite-fille est heureuse, c'est tout ce qui compte." J'en suis restée bouche bée. Elle ne m'a rien demandé de plus... Je lui ai sauté au cou et lui ai dit : "MERCI." Elle a toujours accueilli ma partenaire comme sa propre petite fille. Je lui en serai toujours reconnaissante.

Quelle a été la personne qui a eu la pire réaction ? Comment est ta relation avec cette personne à l’heure actuelle ?

Honnêtement, je n'ai jamais eu de mauvaise réaction, du moins pas en face de moi. Juste parfois de l'étonnement car selon certaines personnes, "ça ne se voit pas", ou certaines réflexions comme "tu n'as pas encore trouvé le bon !" Ce qui a le don de m'agacer... car non, toutes les lesbiennes ne sont pas masculines, et non, ce n'est pas parce que je n'ai pas trouvé le bon ! C'est juste que je ne suis pas attirée physiquement ni émotionnellement par les garçons. C'est tout ! C'est mon combat quotidien de déconstruire ces stéréotypes.

Qu’est-ce qui a changé dans ta vie une fois que tu as fait votre coming out ? Comment t’es-tu sentie ? 

Après avoir fait mon coming-out, je me suis sentie libérée d'un poids énorme. Je laissais tomber le masque que je m'étais infligé toute seule. PLUS JAMAIS je ne mentirai pour me persuader d'être quelqu'un que je ne suis pas. Je me suis jurée de ne plus jamais avoir honte de qui je suis. Je suis moi, Maurine, 25 ans (maintenant), 1m60, yeux et cheveux bruns, clown dans l'âme, baroudeuse et follement amoureuse de la vie... et des filles aussi.

Après mon coming-out à ma famille et à mon entourage, j'ai présenté ma première copine, qui a tout de suite été accueillie à bras ouverts par tout le monde. J'ai découvert ce que c'était d'être aimée, mais surtout d'aimer en retour ! D'avoir des étoiles dans les yeux en parlant d'elle, de pouvoir lui tenir la main sans avoir peur d'être "vues", de rencontrer sa famille, de la présenter à mes ami·es...

Depuis lors, je ne cache plus en aucun cas mon orientation sexuelle, que ce soit dans la sphère privée, professionnelle ou publique.

Comment appréhendes-tu ton coming out maintenant quand tu dois repasser par cela quand tu rencontres de nouvelles personnes ?

Je l'aborde sereinement. Ce n'est pas une information que je donne directement aux nouvelles personnes que je rencontre. Si cela vient dans la conversation, je parle de ma compagne sans forcément dire "je suis lesbienne". Souvent, les personnes ne relèvent pas le mot, parfois elles me posent des questions. Mais cela se fait toujours dans un esprit bienveillant.  

Quel conseil aimerais-tu donner à la personne que tu étais avant ton coming out ? Qu’aimerais-tu qu’elle sache aujourd’hui ?

Si je rencontrais la Maurine adolescente, je lui dirais que la vie est tellement courte pour se priver de vivre et que de belles choses l'attendent. Qu'il faut être fière de la personne que l'on est. Que la vie est faite de changements et de découvertes, qu'il est tout à fait "ok" de se questionner, de tester, de douter, d'aimer... Qu'il faut surtout s'entourer de bonnes personnes qui nous permettent de nous sentir en confiance et appréciée pour ce que nous sommes, avec toutes les particularités qui font de nous une personne unique, ne rentrant dans aucune case.

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