À l’heure où la France est en train de vivre l’épilogue de l’une de ses plus pénibles campagnes présidentielles. À l’heure où le monde entier est secoué par des remous qui peuvent faire craindre le pire pour les années à venir. À l’heure où les conservatismes et les discours radicalisés de tous bords se font de plus en plus bruyants et présents, un vibrant mais néanmoins douloureux message de paix a très largement surnagé.
« Vous n’aurez pas ma haine » c’est par cette citation d’Antoine Leiris qu’Etienne Cardiles a choisi de dire « je t’aime » et de rendre hommage à son compagnon Xavier Jugelé, le policier tué jeudi dernier sur les Champs Elysées. C’est par ces mots qu’il a choisi de nous donner l’une des plus formidables leçons en opposant à la haine, « la tolérance, le dialogue et la tempérance » comme les vraies armes de la démocratie. En marge des récupérations politiques, face aux discours abjects des pontifes de la haine et du rejet, il nous offre le courage de sa résistance.
Nous vivons des temps troublés où les repères semblent s’effacer. Une période de tensions extrêmes qu’elles soient sociales, économiques ou politiques qui sont autant de brèches dans lesquels s’engouffrent le(s) pire(s). Etienne Cardiles nous rappelle ici que ce qui fait notre société, ce sont ses valeurs et qu’elles sont les seules capables de nous permettre de résister. Il nous montre un autre chemin, pacifiste celui-là, loin de celui que certains voudrait nous faire emprunter et que ce n’est pas en construisant un mur de haine autour de nous que nous retrouverons la paix.
Assez ironiquement, c’est ce même jour que Christine Boutin a choisi pour annoncer qu’elle voterait Front National si ce parti affirme clairement la primauté de l'homme sur tous les plans et s’il est claire sur l'abrogation de la loi du mariage pour tous. Marine Le Pen quant à elle est engagée dans une campagne sans ambiguïté aux relents nauséabonds de populisme et prône le rejet de l’autre et le repli sur soi. Cette même Marine Le Pen qui aux côtés d’Emmanuel Macron et de François Hollande rendait hommage à Xavier Jugelé. Une présence bien mal venue et tellement dissonante face au discours de l’homme qui vient de perdre celui qu’il aime. Une présence choquante tant ce qu’elle représente est contraire aux valeurs que semblait défendre Xavier Jugelé. Une présence qui malgré tout ne laisse la place à aucune récupération politique tant Etienne Cadiles a été l’espace d’un instant un géant. Parce qu’avec subtilité, intelligence et émotion, il a davantage fait, en moins de 10 minutes, que beaucoup d’autres contre l'homophobie, contre le rejet et contre la haine.
Mais plus que cela, il est le signe de l’évolution d’une société tout entière. Ce discours montre sans ambages que malgré les gesticulations de quelques conservateurs intégristes, malgré l’ignominie des meurtres de haine, la société a évolué. Car, sans que cela ne choque personne, Etienne Cardiles a pu exprimer son amour pour son compagnon. Car comme l’a dit Olivier Ciappa, « Ces mots simples et banals sont, en réalité, révélateurs d’une avancée majeure que, d’ordinaire, nous négligeons de saluer, trop occuper à recenser ce qui va mal, se racornit et se referme dans notre pays. »