Pourquoi partager vos pronoms dans une signature de mail ?

Peut-être l’avez-vous déjà remarqué dans la signature e-mail d’un·e de vos collègues ou correspondant·e·s, sur une carte de visite, peut-être dans la “bio” d’une personnalité que vous suivez sur les réseaux sociaux ou dans un article de presse. Ces dernières années, de nouveaux pronoms sont apparus dans la langue française.  Des néo-pronoms plus inclusifs qui permettent de se présenter au reste du monde en dehors d’un spectre binaire rigide homme/femme. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes partagent leurs pronoms à la suite de leur nom en se présentant.

Mais pourquoi faire cela ? Qu’est-ce que ça peut bien apporter de plus ? Au messager, au destinataire ? Quels sont les bons usages ? Et surtout, comment s’y retrouver ?

Pas de panique, cet article est justement là pour démystifier cette pratique et vous aider à y voir plus clair. Voyons ensemble pourquoi il est intéressant que tout un chacun prenne l’habitude de partager ses pronoms.

De quoi parle-t-on exactement ?

Si vos derniers cours de grammaires remontent à quelques années, pas d’inquiétude. Quand on parle de partager ses pronoms, on fait uniquement référence aux pronoms de la 3ème personne du singulier, c’est à dire les pronoms qu’on utilise pour référer à une tierce personne sans s’adresser directement à celle-ci.

Dans la pratique, il va s’agir d’utiliser les deux pronoms classiques de la 3ème personne du singulier, “elle” pour les personnes de genre féminin et “il” pour les personnes de genre masculin, ainsi que certains néo-pronoms pour les personnes non-binaires. Ces dernières peuvent préférer utiliser des pronoms tels que iel, al, ael, ol,…

Au-delà de la binarité

Dans la grammaire française, le neutre n’existe pas, les mots sont soit féminins soit masculins. Cependant, chez les êtres humains, le genre est bien plus complexe que ça. L’identité de genre est une identité psychosociale, un sentiment intime d’appartenance à un groupe, qui peut être celui des hommes, des femmes, ou peut sortir de cette binarité. Nous pouvons rassembler toutes les identités qui ne sont pas 100% femme ou 100% homme sous l’appellation “non-binaire.”

Il existe des tas de manière d’exprimer qui l’on est, par exemple via ses vêtements, sa coiffure, ses attitudes, … Cependant, ces signes extérieurs (l’expression genrée) vont souvent être interprétés comme des indicateurs d’un genre binaire selon des stéréotypes spécifiques (une robe sera considérée comme une indication de fémininité, le fait de s’assoir les jambes ouvertes comme un signe de masculinité, …) Quand l’image que nous renvoyons ne correspond pas à notre identité de genre ressentie ou quand on a une identité de genre non-binaire, il peut être difficile de se faire reconnaître en public pour la personne que l’on est. Là se trouve toute l’importance des pronoms personnels dans une langue genrée comme le français.

L’imposition de choisir entre “il” et “elle” peut être vécue par certaines personnes comme un énième renvoi à une binarité toxique, comme une énième façon d’effacer toute la complexité - et la beauté ! - de leur personne et de leur existence. À l’opposé, utiliser les pronoms choisis d’une personne, quels qu’ils soient, permet d’affirmer celle-ci dans son identité et que la langue devienne un espace de confort et de découverte plutôt que de malaise.

Pourquoi partager ses pronoms ?

Les mots sont des concepts, comment se définir sans eux ? C'est pourquoi il est important que tout le monde puisse disposer d’un vocabulaire qui les représente de la manière la plus fidèle et adéquate possible et puisse ainsi se sentir inclus·e dans le langage courant. Dans ce sens, le fait de partager ses pronoms a de nombreux avantages :

  • Pour les personnes non-binaires et trans, partager ses pronoms par écrit permet de ne pas devoir le faire à l’oral et d’éviter ainsi de devoir faire une sorte de “coming out” qui pourrait donner lieu à une curiosité non-désirée.
  • Pour les personnes portant un prénom mixte (comme par exemple Dominique, Camille, …), le partage des pronoms permet de donner une indication sur son genre aux personnes que l’on ne connaît pas encore.
  • Dans tous les cas, partager ses pronoms permet à nos interlocuteur·ice·s de ne pas avoir à faire de suppositions quant à notre identité de genre, et donc d’être plus à l’aise.

Il est important pour les allié·e·s des personnes LGBTQIA+ d’également partager leurs pronoms, même dans les cas où leur prénom est “clairement genré”. En effet, plus les gens normaliseront cette pratique, plus les personnes trans et non-binaires se sentiront à l’aise de revendiquer leurs propres pronoms quand elles en ont le besoin, sans se sentir marginalisées.

Comment partager ses pronoms

Il vous est possible de partager vos pronoms à tout moment et sur tout support où vous partager d’autres informations à propos de votre identité : dans votre signature e-mail, sur votre profil sur les réseaux sociaux, sur vos cartes de visites, … La plupart du temps, les pronoms d’une personne sont indiqués entre parenthèses juste après son nom ou son titre.

Beaucoup de personnes choisissent de n’indiquer qu’une seule forme pronominale (par exemple “elle” ou “iel”). Cependant, cette technique laisse à désirer. En effet, si nous avons tou·te·s appris à l’école que “il” devient “lui” quand on l’utilise en tant qu’objet (“Il arrive juste quand on parle de lui.”), il n’est pas aussi évident de savoir que “iel” devient “ellui” (“Iel arrive jusque quand on parle d’ellui.”)

Par ailleurs, l’utilisation d’un néo-pronom comme “iel” ou “al” n’indique pas les préférences d’une personne en ce qui concerne les autres inflexions genrées, c’est à dire l’utilisation des adjectifs et autres. En effet, différentes personnes non-binaires utilisent différentes formes genrées pour accorder les adjectifs et noms communs. Certaines personnes utilisent uniquement les formes masculines, certaines uniquement les formes féminines. Certaines personnes préfèrent alterner entre les deux, ou utiliser une forme d’écriture inclusive avec point médian. Il est donc également conseillé de partager les accords que l’on utilise en même temps que ses pronoms. Par exemple, on peut indiquer “iel/ellui + incl.” pour spécifier que l’on utilise des accords en écriture inclusive, ou bien “il/lui + masc.” si l’on préfère l’utilisation du masculin.

Bien sûr, à vous de décider quelles formes vous préférez utiliser. Le fait de partager ses accords n’est pas encore une pratique courante et elle demande notamment plus de place. C’est cependant la manière la plus complète d'indiquer comment l’on doit référer à vous. Vous pouvez également citer vos pronoms dans plusieurs langues. En anglais et en néerlandais, la meilleure pratique est également de citer toutes les formes possibles d’un pronom (par exemple “they/them/theirs” ou “hij/hem/zijn”).

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