Journée internationale du drag. Rencontre avec Gladys Bescherelle !

"Je ne pense pas que Gladys soit très différente de Jérôme, elle est une amplification de mon côté féminin et de mon côté extraverti. Evidemment, une fois perchée sur 15 cm et perruque sur la tête, entrer en contact avec les gens ou tenir un micro devant un public pour raconter des conneries est plus facile."

Hello Gladys ! Pourrais-tu te présenter brièvement pour nos lecteurs-rices ?

Je m’appelle Jérôme, j’ai 36 ans et je me définis comme un homme gay. Je suis en couple avec mon compagnon qui me supporte depuis presque 12 ans et nous habitons à une poignée de km du centre de Liège.  

Mon nom de DragQueen est Gladys Bescherelle. J’ai été baptisé ainsi par Henri Mariette, le fondateur du Mama Roma Show. (« J’nais jamé vraimant çu pourkoi !)

Quand je suis en Drag les gens peuvent utiliser les pronoms « il » ou « elle », cela me va très bien. Je n’ai pas pour but de questionner les gens sur mon identité. Cela dit, avec un ou deux verres de trop, j’ai tendance à mettre tout au féminin.

Depuis combien de temps, fais-tu du Drag ?

J’ai commencé l’art du Drag en 2003, vers 18 ans, pour faire une surprise d’anniversaire au papa de ma meilleure amie. J’incarnais « soi-disant » Maryline qui sortait d’un paquet cadeau. J’ai vite recommencé quelques jours plus tard pour un autre anniversaire. Ensuite, tout s’est vite enchaîné…

A l’époque, j’étais danseur au Théâtre du Trocadero de Liège où je travaillais avec des chanteurs et des comédiens. Je ne connaissais pas l’univers Drag et n’étais pas vraiment attiré par ce genre de personnage, ces hommes habillés en femmes qui chantaient en playback. Je ne comprenais pas l’intérêt, je ne voyais pas où était la performance artistique là-dedans.  

Petit à petit je me suis rendu compte du travail qu’il y avait derrière, de la technique de maquillage, du choix du costume, souvent imaginé et créé par la Drag elle-même. Ensuite j’ai découvert le jeu d’acteur et d’interprétation de certaines qui m’ont procuré des émotions. J’ai commencé à faire des recherches, vu dans des films ou des clips que ça existait d’une manière encore différente de ce que j’avais pu voir auparavant.  

J’ai voulu faire la même chose, faire ressortir toute la féminité qui était en moi mais à des moments précis, dans un lieu safe, prévu pour, sur scène, devant des gens qui étaient venus expressément pour voir ça.  

En 2004, j’ai participé au concours de Miss MamaRoma, que j’ai remporté (yes bitch!). Henri Mariette m’a proposé de monter sur scène quelques fois avec la troupe. Troupe que j’intégrerai définitivement plus tard, durant les 5 dernières années de l’existence du Mama Roma Show. Entre temps, j’ai pu parfaire mon art du Drag en travaillant dans des cabarets à Lille, Toulouse ou dans un club de vacances en Corse durant 3 saisons. Les Corse, qui n’avaient jamais vu une DragQueen avant !

Comment définis-tu ton Drag ?

Je ne me suis jamais réellement interrogé sur la catégorie de mon Drag. En sondant des experts du milieu Drag et des amis qui me connaissent bien également, de par mon expérience dans le milieu de la danse et du théâtre, ils m’ont défini rapidement comme une « Show Drag » : monter sur scène est assez facile, reproduire une chorégraphie en y ajoutant l’interprétation d’une chanteuse me convient très bien. Aujourd’hui, j’ai fait évoluer mon personnage aussi vers la chanson (live) et le stand-up. J’aimerais beaucoup pouvoir monter sur scène, un micro à la main et faire rire les gens avec mon humour noir, plutôt trash.  

Une amie m’a dit aussi : « Tu portes toujours ce parfum qui te caractérise, qui sent le bonbon à la fleur d’oranger, t’es une Candy Drag ! » (En réalité, je me parfume plutôt pour camoufler l’odeur de certaines de mes perruques qui stagnent dans ma cave).

Je dirais donc que je suis une « Show Candy Drag ». (Rien à voir avec la jolie petite fille aux yeux clairs).

Qu’est-ce que le drag représente pour toi ?

Aujourd’hui, bien que le Drag ne soit plus trop représenté à Liège, il survit encore à Bruxelles. Heureusement, la communauté Drag est fortement présente à la TV américaine et sur les réseaux sociaux. Ces artistes, tous très différents, imposent une certaine tolérance, cassent les codes. On voit aussi des filles, des enfants ou des personnes présentant un handicap pratiquer l’art du Drag. En mélangeant également différentes formes d’art comme la Dj-Drag, la Drag-Effeuilleuse, la Drag-Magicienne, la Drag-Compteuse etc.

Du coup, est-ce que Gladys Bescherelle est complètement différente de ta personnalité de tous les jours ?

Je ne pense pas que Gladys soit très différente de Jérôme, elle est une amplification de mon côté féminin et de mon côté extraverti. Evidemment, une fois perchée sur 15 cm et perruque sur la tête, entrer en contact avec les gens ou tenir un micro devant un public pour raconter des conneries est plus facile. Mes amis me font souvent remarquer que, une fois en DragQueen, mon humour devient plus grinçant.  Mais que ce soit en Jérôme ou Gladys, je fais preuve de beaucoup d'autodérision.

Qu’est-ce qui te fait continuer ? Qu’est-ce qui te motive chaque jour à continuer cette activité ?

Ce qui me pousse encore aujourd'hui à ouvrir ma boite de maquillage et passer quelques heures à jouer avec mes couleurs et mes pinceaux, c'est évidemment l'influence des réseaux sociaux. Je vois de nouvelles techniques de make-up et ça me donne envie d'essayer. Il n'est pas rare, tout à coup un dimanche pluvieux, de me raser la barbe car j'ai une idée de look en tête. Je passe mon après-midi à me maquiller, ensuite je fais quelques photos que je poste sur mon compte Insta @jeromealexandre84 (après retouches pour faire comme toutes les autres lol). Mes amis me complimentent, certains collègues sont surpris que je sois Drag à mes heures perdues. Tout ça fait que je continue, mais plus vraiment de façon professionnelle. Cependant, avant la pandémie de Covid19, mon compagnon et moi, avions commencé à organiser des évènements privés, les "Kiki Party". Ces soirées regroupent tous nos proches (parents, famille, amis, collègues), qu'ils fassent partie de la communauté LGBTQIA+ ou non. Ces soirées ont pour but de venir tels que nous sommes, habillés de la manière qu'on le souhaite, en étant qui on veut et surtout servent à lâcher prise pendant quelques heures, toujours dans le respect des uns et des autres, bref... Avec l'esprit Kiki quoi ! Evidemment, ces soirées que nous organisons me permettent une fois de plus de sortir ma machine à coudre, créer un look et remonter sur scène.

On voit que le drag devient de plus en plus mainstream grâce à des émissions comme Rupaul’s Drag Race, comment tu vois ça ?

Concernant le fait que le Drag devienne mainstream, c'est évidemment une bonne nouvelle. Dommage pour moi, j'ai fait ce métier durant la période creuse du Drag, où les DragQueens n'étaient plus trop à la mode et les réseaux sociaux n'existaient quasiment pas. D'ailleurs on nous appelait des "travelottes" qui était plutôt péjoratif. Aujourd'hui, les mots DragQueen, DragKing ou FauxQueen sont bien plus glamour et valorisants. Ces termes font de suite référence à des artistes.

Maintenant nous savons tous que les modes viennent et repartent. J'espère que la mode des Drags continuera à inspirer les générations futures.

Comment envisages-tu l’avenir du monde du Drag ?

Je dirais qu’il est plutôt bien parti. Il serait par contre dommage qu’à être présent à tout prix, il en devienne banal !  

Bien que durant une longue période on en n’entendait plus parler, les émissions de TV comme RuPaul DragRace ont remis en avant l’art du Drag avec un grand A et on fait naître et connaître de supers performeurs.  

Par contre, plusieurs pays ont leur propre show et des Drag Queens naissent tous les jours sur les réseaux sociaux, je ne sais plus qui est qui. Je vois venir de plus en plus d' émissions à la télé avec des intervenants en drag. Je crois que certaines chaînes de télé essayent de prouver qu’elles sont ouvertes et tolérantes mais y a-t-il réellement un but de voir une Drag lambda réussir une recette de cuisine ou donner son avis sur le choix de robe de la mariée ? J’espère que ces chaînes de télé ne vont pas en faire trop ou mettre en avant des DragQueen « maladroites » qui pourraient nuire au côté amusant, divertissant et tolérant de l’art du Drag.  J’espère surtout que nous, DragQueens, continueront à représenter avec fierté les couleurs du drapeau arc-en-ciel.


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