17 mai : Témoignage d'Emma

Alexandre Lopez Vela

Le 17 mai marque la journée internationale de lutte contre les LGBTQIA+phobies, une journée dédiée à la défense de nos droits et à la lutte contre les discriminations quotidiennes subies par nos communautés.

La Fédération Prisme a choisi de mettre en lumière quatre récits inspirants. Ces portraits mettent en valeur des individus pour qui l'acceptation totale de leur identité a été le plus précieux des dons. Vivre pleinement et sans entraves est parfois un véritable havre de paix pour certaines personnes.


Le second témoignage est celui d'Emma, une femme trans* de 34 ans, qui partage son voyage vers l'acceptation de soi et la réalisation de sa véritable identité. Depuis son adolescence, Emma a été confrontée à des tabous et à des stigmatisations liés à la communauté LGBTQIA+. Pourtant, malgré les obstacles et les pressions sociales, elle a ressenti le besoin impérieux d'embrasser sa vérité.

À l'âge de 32 ans, après une période de lutte intérieure et de difficultés personnelles, Emma prend enfin la décision de faire son coming-out et de commencer sa transition. Ce pas vers elle représente un tournant décisif dans sa vie, lui permettant de se sentir enfin en accord avec elle-même, à la fois intérieurement et extérieurement.

Le soutien de sa compagne, ainsi que celui de professionnel·les de santé compréhensif·ves, joue un rôle crucial dans son parcours. Malgré les défis, Emma trouve la force de maintenir ses liens affectifs, tant avec ses amis qu'avec sa famille, renforçant ainsi ses relations et trouvant un soutien inattendu.

Aujourd'hui, Emma rayonne de bonheur et de confiance en elle. Elle vit sa vie pleinement, avec un esprit ouvert et en harmonie avec elle-même. Son message d'espoir et d'acceptation résonne avec force.

Peux-tu partager certains des défis spécifiques que tu as rencontrés lors de ta transition et comment tu les as surmontés ?

Le plus grand défi pour moi s’est passé durant la puberté, où ce corps qui était le mien changeait dans une direction qui ne reflétait pas qui j'étais. Cela m’excluait immédiatement du groupe social auquel je me sentais intrinsèquement liée. Je peux dire que pour moi, c'est cette confrontation qui a amené le premier mal-être.

En résulte un défi supplémentaire sur le long terme qui a été d’accepter ma différence. N'ayant aucune figure de référence et le sujet étant vu comme une « maladie »ou tout du moins « un problème » durant mon adolescence, cela ne m'a pas permis de me sentir légitime. Cela a aussi créé une très grosse dissonance en moi entre ce que la société (ma famille, l'école et le monde) voulait que je sois et qui j'étais réellement au fond de moi.

Cela m'a forcé, bien malgré moi, à jouer un rôle des années durant et à le tenir coûte que coûte, quitte à me détruire intérieurement.

En second plan, je dirais que l'un des autres défis importants était très similaire au premier. En effet, il concernait la difficulté de s'aimer avec sa « différence »sous le regard des autres et leur incompréhension face à un sujet sur lequel iels n'ont jamais été éduqué.es.

Le plus dur, c'est de subir cette exclusion qui découle de tout cela.

Comment ta compagne a-t-elle réagi lorsque tu lui as fait part de ta décision de faire ta transition, et comment votre relation a-t-elle évolué depuis lors ?

Ma compagne a été pour moi la force et le courage d'affirmation manquant dans mon processus. Son amour, son ouverture, sa bienveillance m'ont énormément aidée à surmonter mes craintes. Sans elle, je ne serais pas là aujourd'hui, car elle a su comprendre quelle était ma douleur et m'a apporté toute son aide pour y faire face.

Je dirais que notre relation n'a jamais été aussi fusionnelle et bienveillante que depuis mon coming out. Celui-ci m'ayant permis d'être moi à 100 %, il a été l'acteur d'un mieux-être général dans ma vie et dans notre couple.

Quels conseils donnerais-tu à d'autres personnes transgenres qui pourraient craindre de révéler leur identité de genre à leur partenaire ou à leur entourage proche ?

Je leur dirais que “Vivons heureux.ses vivons caché.es” est la pire phrase que j'aie pu entendre, car c’est s'obliger à vivre malheureux.ses et cette idée abreuve le problème d’illégitimité à sa racine. Bien qu'il faille prendre le temps et bien s'entourer avant un coming out et que celui-ci ne doit en aucun cas être forcé, cacher sa situation, quelle qu'elle soit, ne fait qu’accentuer le mal-être ressenti et ne peut que nous éloigner des autres et du mieux-être tant convoité. Se cacher d'être qui on est, comme voudrait nous l'imposer une part de la société, est nocif et intenable et se révèle souvent être la cause d'actes irréparables et regrettables. Malheureusement, “Le problème ce sont les autres”, et ce problème, ces défis que l'on vit au quotidien en tant que personne transgenre, nous est imposé par les autres et n'ont de place que dans une société qui fustige et doute de l'existence même des personnes transgenres.

Moi, je dirais, par mon vécu, qu'il vaut mieux être vrai et sincère avec soi-même, car personne ne pourra le faire à notre place.

En quoi ton expérience avec les professionnels de santé lors de ta transition a-t-elle contribué à ton bien-être et à ta réussite ?

Mon avis est assez mitigé, car seulement « certain·es professionnel.les» y ont contribué grâce à leur soutien médical et humain. Celleux là, je les remercie pour leur engagement et leur bienveillance.

D'autres, à contrario, ont fait tout l'inverse et m'ont fait me sentir encore plus mal dans mon parcours. Je dirais dans ce cas précis que le monde “socio-médicale” doit encore faire du chemin pour qu'on puisse le voir comme une aide inconditionnelle. Même s'il y a des progrès notables ces dernières années, on peut et on doit faire mieux au niveau de l'accompagnement des personnes transgenres dans les milieux socio-médicaux.

Comment as-tu maintenu un sentiment de positivité et de confiance en toi-même en dépit des défis et des obstacles que tu as rencontrés ?

Je dirais que le soutien, la compréhension, l’amour et la bienveillance de toutes les personnes extérieures dans les difficultés de ce changement est plus que nécessaire, je dirais même qu'il est vital. Et c'est ce soutien qui a été salvateur dans mon parcours.

Cette aide apporte courage et légitimité face aux obstacles et nous aide à les surmonter.

Le courage, ce n'est pas l'absence de peur, mais c'est d'avoir peur et de continuer quand même. Je sais qui je suis depuis très longtemps, quand bien même, je l'ai longtemps caché et je sais vers quel mieux-être je vais.

Ce processus, je le fais uniquement pour moi et cela m'apporte un tel bonheur que d'une certaine manière, on pourrait dire qu’il s'autoalimente.

Peux-tu partager des exemples concrets de la manière dont tu as éduqué les autres sur la diversité et l'acceptation en tant que personne transgenre ?

J'ai pris la décision de ne pas cacher ma transition, de ne pas en avoir honte. J'ai aussi, comme beaucoup d'entre nous, longuement étudié le sujet de la transition, des études sur le pourquoi du comment et cela m'a apporté des connaissances.

Le monde est dur et injuste vis-à-vis de notre communauté, donc je ne le crie pas sur tous les toits. Cependant, le fait de ne pas en faire un problème de vie et les connaissances que j'ai acquises sur le sujet m'aident à être un pilier pour d'autres.

Par exemple, que ce soit au sein de ma famille, de mes cercles d'amis et surtout de mon travail, cela m'a permis de mettre en place des choses apportant une vision différente sur la question de l'identité de genre. Cela m'a aussi permis d’en discuter avec divers intervenants, directement concernés ou non, dans l'optique que ce ne soit plus un sujet tabou et avec la volonté d'instruire.

Je dirais que j'essaie, à mon échelle, de donner cette première écoute et cette première légitimité qui m’ont tant manqué lors de mes premiers questionnements sur mon identité de genre.

Comment ton identité de genre a-t-elle influencé ta perception de toi-même et ta relation avec les autres ?

Pouvoir affirmer et vivre cette identité de genre a changé ma vie pour toujours, car cela a rendu mon existence légitime et m'a permis d'être là pour vous répondre aujourd'hui.

Les questionnements qui ont été les miens durant mon parcours m'ont permis d'ouvrir mon esprit à ma propre réalité, mais aussi à celle des autres. Ces remises en question profondes m'ont rendu beaucoup plus empathique et plus ouverte d'esprit sur bien des sujets.

Peux-tu nous parler de ton processus de réconciliation avec ta famille et comment vous avez pu trouver du soutien mutuel malgré les difficultés passées ?

L'amour, l’écoute et la compréhension ont été la clé de ce succès. Je pense que beaucoup de rejets dans la vie sont la conclusion d'une mauvaise compréhension de la « problématique initiale », surtout quand ceux-ci viennent des personnes que l'on aime.

Une personne très importante dans ma vie me dit souvent : « N'attribuons pas à la méchanceté et à la malveillance ce que la bêtise humaine suffit à expliquer. »

Et je pense effectivement que le nœud des conflits liés aux transitions, mais pas que, réside dans le manque d'éducation sur le sujet.

Savoir aider à comprendre et à comprendre, c'est permettre d’être à l'écoute de l'autre et de faire preuve de bienveillance.

Quelles sont certaines des leçons les plus importantes que tu as apprises sur toi-même et sur la vie en général grâce à ton parcours de transition ?

Si je devais le résumer en quelques points, je dirais :

  • Il faut toujours se faire confiance, car on se connaît mieux que quiconque;
  • La bienveillance est primordiale autant que l'écoute;
  • La bienveillance n'a pas besoin d'être logique pour être appliquée;
  • L'amour de soi prévaut sur le jugement des autres;
  • Notre bonheur doit être en premier lieu une chose que l'on s’offre à soi-même.
Comment envisages-tu ton avenir maintenant que tu vis pleinement ta vie en tant que femme trans*, et quels sont tes objectifs et tes aspirations pour les années à venir ?

Je dirais, sans trop m'avancer, continuer à me réaliser et à vivre ma vie le plus « normalement »possible.

Continuer à être heureuse avant tout et vivre la vie à fond comme elle devrait pouvoir l'être pour tous.tes. Lutter pour mes droits, ceux des minorités et ceux de ma communauté et continuer à aider autant que je le peux celleux qui en ont besoin.

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