17 mai : témoignage de Luca

Alexandre Lopez Vela

Le 17 mai marque la journée internationale de lutte contre les LGBTQIA+phobies, une journée dédiée à la défense de nos droits et à la lutte contre les discriminations quotidiennes subies par nos communautés.

La Fédération Prisme a choisi de mettre en lumière quatre récits inspirants. Ces portraits mettent en valeur des individus pour qui l'acceptation totale de leur identité a été le plus précieux des dons. Vivre pleinement et sans entraves est parfois un véritable havre de paix pour certaines personnes.

Le premier témoignage met en lumière l'histoire de Luca, qui a grandi dans une famille italienne chrétienne à Charleroi, où les préjugés envers les personnes homosexuelles étaient monnaie courante. Malgré ces pressions sociales, Luca prend conscience de sa propre orientation sexuelle à l'adolescence. Lorsqu'il révèle son homosexualité à sa mère, celle-ci réagit initialement avec choc et rejet, exprimant sa désapprobation et son incompréhension.

Cependant, avec le temps, les choses commencent à changer. À l'âge de 18 ans, Luca prend une décision courageuse en présentant son copain à sa mère, qui accepte finalement de l'accueillir chez eux pour la nuit. Ce geste symbolique marque un tournant dans leur relation. Au fil des années, la mère de Luca évolue progressivement, remettant en question les normes sociales restrictives auxquelles elle avait été soumise. Elle devient une alliée et un soutien précieux pour son fils, exprimant son amour et son acceptation inconditionnels.

Aujourd'hui, 15 ans plus tard, leur relation a radicalement changé. La mère de Luca souhaite ardemment le bonheur de son fils et rêve même de le voir marié et éventuellement père. Cette transformation profonde témoigne du pouvoir de l'amour et de la compréhension à transcender les barrières sociales et familiales, offrant un message d'espoir et d'acceptation pour les familles confrontées à des défis similaires.

Comment as-tu réussi à naviguer dans un environnement familial qui semblait initialement hostile à ton orientation sexuelle ?

Je crois que ça se fait de manière plutôt automatique. Quand j’ai pris conscience que j’étais gay, mes parents et ma famille étendue (plus de 60 personnes) étaient toute ma vie à ce moment-là. Je ne voyais aucune autre solution que d’essayer d’être le fils/filleul/neveu/petit-fils parfait : une bonne attitude, de bonnes notes à l’école… l’idée était de me fondre dans le décor pour ne pas éveiller les soupçons, tout en gardant cette peur de ne pas être accepté. Maintenant que j’y repense, c’était une double peur : être identifié pour qui j’étais réellement et ne pas être apprécié pour ce que je voulais leur faire croire que j’étais.Parallèlement, j’avais aussi de bons amis sur qui compter, pour partager ce qui se passait. Leur soutien était vraiment important.

Peux-tu partager des détails sur le processus par lequel ta mère est passée pour accepter ton orientation sexuelle ? Y a-t-il eu des moments particulièrement difficiles ou des étapes importantes dans ce cheminement ?

La première année était la plus difficile. Ma mère subissait déjà la pression familiale pour avoir pris la décision de divorcer, en plus, elle assumait les difficultés financières d’une mère célibataire de deux enfants. Elle abordait mon homosexualité avec moi d’elle-même et tout y est passé : je ne peux pas être gay parce que je n’avais jamais eu d’expérience, c’est de sa faute pour m’avoir donné trop d’attention, elle aurait préféré avoir mon meilleur ami comme fils, son monde s’était écroulé, etc. Toutes ces paroles paraissent inimaginables de sa part maintenant. Peu après le coming out, elle m’avait demandé si j’avais songé lui dire avant qu’elle ne le découvre d’elle-même. Je me souviens que ça lui avait fait un choc quand je lui ai dit que j’attendais mes 18 ans pour pouvoir quitter la maison et ne plus dépendre d’elle. Elle n’imaginait pas que je pouvais penser qu’elle m’abandonnerait. Je crois que ç’a vraiment été l’électrochoc pour elle. Le fameux soir de la rencontre, elle m’avait vu parler et rire avec mon copain et avait compris que j’étais heureux, et c’est tout ce qui comptait ensuite (je viens d’avoir cette information au téléphone). 

Quel conseil donnerais-tu aux jeunes LGBTQIA+ qui se trouvent dans des familles ou des environnements similaires et qui ont peur de faire leur coming-out ?

Que c’est bel et bien une situation délicate, mais qu’elle n’est pas définitive. Un jour, on finit par être soi-même et on ne lutte plus contre son authenticité. Il faut aussi garder en tête que la famille est ce qu’on en fait, et qu’elle n’est pas toujours liée par le sang. Je suis aussi persuadé qu’on finit toujours par être attiré par les personnes qui nous font nous sentir bien, qu’on trouve toujours un entourage qui nous soutient et nous accepte pour qui on est.

Comment as-tu géré tes propres émotions et attentes tout au long de ce processus, notamment lorsque tu avais prévu de faire ton coming-out plus tard ?

C’est difficile pour moi de me projeter dans le passé sans mon regard actuel d’adulte. Je crois que j’ai refoulé tout ce qui se passait. J’ai aussi continué à vivre ma vie d’adolescent et j’attendais de pouvoir quitter ma ville pour aller étudier et par extension, être libre. Je continuais de vouloir plaire à tout le monde, d’être aimé, j’étudiais beaucoup aussi. Rétrospectivement, je crois que je ne me serais pas autant donné si je n’avais pas cette idée d’être accepté. 

Est-ce que la réaction de ta mère a eu un impact sur tes relations futures et sur la manière dont tu abordes les relations amoureuses ?

Lorsqu’elle a rencontré et apprécié mon copain, je crois que ç’a indirectement posé une pression sur ma relation à l’époque. Comme j’étais enfin accepté et que j’avais fait entrer mon copain dans la vie de ma mère, il fallait que ça fonctionne à tout prix. J’étais aussi très peu patient envers mes relations suivantes, me disant que si j’avais pu obtenir le soutien de ma mère, tout le monde pouvait faire un coming out et s’attendre au meilleur scénario. Avec le temps, j’ai fini par être plus patient, compréhensif et par me sentir chanceux de ce qui s’est passé pour moi. 

En quoi cette expérience a-t-elle façonné ta propre approche de la parentalité et de la construction de relations familiales ?

Je dois reconnaître que j’ai été chanceux. J’ai grandi avec cette idée que la famille était ce qu’il y a de plus important et que je devais la respecter sans concession. Avec ma mère et une bonne partie de la famille, j’ai pu voir que j’étais également respecté et aimé pour qui j’étais. Si je suis parent, j’aimerais faire ressentir ce respect et cet amour inconditionnel à mon enfant.Rendre ce qu’on m’a donné, en quelque sorte. 

Comment as-tu géré tes propres émotions et attentes pendant la période où ta mère était en train de digérer cette nouvelle ?

Comme pour la réponse 4. Si ce n’est que je continuais d’explorer et de faire des rencontres.J’avais cette vie secrète qui se développait et qui contrebalançait le chaos familial. Je me souviens d’avoir fait une rencontre à 17 ans, où la personne avait mon âge et venait juste de faire son coming out. Sa famille l’avait accepté instantanément. Leur rencontre avait été un choc pour moi, je ne pouvais pas m’empêcher de comparer nos vies. 

Peux-tu nous parler des émotions que tu as ressenties lorsque tu as vu ta mère s'ouvrir à ton copain et commencer à le traiter comme un membre de la famille ?

L’émotion première était la surprise. Je ne m’attendais pas du tout à ça. Je ne me souviens même pas d’avoir pris part à la conversation dans laquelle ma mère apprenait à connaître mon copain. Il m’a vraiment fallu des années pour me rendre compte de cette chance. Je m’étais fait à l’idée que j’allais partir étudier et me distancer de ma famille. 

Comment as-tu ressenti le soutien continu de ta mère au fil des ans, notamment lorsqu'elle exprime son désir de te voir marié et même d'avoir un enfant avec ton partenaire ?

Sans surprise, je n’ai pas grandi en exprimant mes sentiments librement ni en discutant ouvertement avec ma famille. J’étais habitué à devoir me cacher et à ne montrer qu’une partie « acceptable » de moi. Je crois que ma mère, en ouvrant la discussion avec mon copain et en s’intéressant directement à ma vie amoureuse, m’a appris à m’ouvrir et à partager. C’est un exemple parfait d’une relation familiale où l’amour est bien présent, sans être verbalisé. Les choses ont bien changé maintenant, je lui exprime mon amour et mon respect sans détours ! Elle m’a appris à me libérer de ce que j’avais toujours connu et à choisir ma propre voie, à moins me fier au regard des autres. 

Comment as-tu maintenu une relation forte et ouverte avec ta mère malgré les défis initiaux que vous avez rencontrés ?

Le temps et la distance ont beaucoup joué. J’ai eu la chance d’étudier dans une autre ville et de laisser le temps faire son travail. J’ai pardonné les mots maladroits, je me suis concentré sur les actions plus récentes. Ma mère a très vite changé son discours en disant qu’elle avait peur au début, mais qu’elle était heureuse du moment que je l’étais. Par la suite, à chaque relation sérieuse, je présentais mon copain à ma mère et j’ai pu être témoin de son soutien. Tout est pardonné et oublié, je ne peux que la remercier d’avoir bousculé ses idées préconçues et d’avoir été là. Ç’a été un autre gros morceau à traiter : le pardon et la compréhension de son contexte initial.

Quels conseils donnerais-tu aux parents qui pourraient être confrontés à la révélation de l'homosexualité de leur enfant ?

De laisser le temps à ses propres peurs de disparaître, de poser des questions en cas de doutes, d’être physiquement présent·es, de faire confiance à son enfant, d’être conscient·es qu’on ne doit pas toujours comprendre pour accepter.

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